Brèves de la ruée vers l'Ouest

La Blanquilla

Nous sommes arrivés à "la Blanquilla" le samedi 11 février en fin de journée, une heure avant le coucher du soleil, parfait pour atteindre le "mouillage des Deux Palmiers" recommandé par d'autres plaisanciers (car il n'existe aucun guide pour ces îles du bout du monde et inhabitées). Ces deux palmiers là, on ne peut pas les louper !

Cet endroit est magique, totalement inhabité, nous sommes le seul voilier (à moins qu'il n'y en ait d'autres dans le sud où nous ne sommes pas allés) et comble de perfection, la pleine lune s'est levée pile entre les deux palmiers !


Il y a un bateau de pêche habitable sur la plage un peu plus au nord et les cinq pêcheurs qui vivent à bord sont venus nous voir sur leur petite annexe à rame. D'abord hier soir, puis ils sont revenus ce matin avec un petit thon que nous avons troqué contre du rhum et des cigarettes (nous n'avons pas de monnaie locale et de toutes façons, il n'y a rien à acheter ici). L'Espagnol du Capitaine se dérouille petit à petit et on a pu "conversar" un peu avec eux. Ils sont gentils comme tout et nous ont assuré qu'ils sont nos amis, ce que nous croyons volontiers. On leur a donné aussi un masque et un tuba et du coup, il y en a un qui viendra demain en fin de journée montrer au Capitaine comment attraper des langoustes. On va rigoler.


On a aussi aperçu des petites barques de pêche à moteur sur la plage avant la pointe et des campements sur la plage. Ces pêcheurs là passent sans venir nous voir, par accord tacite avec les autres, j'imagine.

Nous profitons de ce mouillage idyllique pour ne rien faire, un changement agréable après trois semaines de chantier difficiles. Cet après-midi, on ira quand même faire un tour sur l'île voir les ânes et les cactus sauteurs (il paraît qu'ils cherchent à vous attraper au passage).

Comment un plaisancier a sauvé une cargaison de poissons :

A la Blanquilla, il y a des pêcheurs qui vivent sur l'île pendant quelques mois, de décembre à mai, en campant dans des petites cabanes sur la plage. Ils pêchent dans des bateaux étroits et rapides équipés de deux moteurs de40 ou 60 CV. D’autres ont des bateaux moins rapides mais couverts par une petite bâche. En fin de journée, ils viennent livrer leur poisson dans un plus gros bateau ponté où vivent six hommes et qui stationnent devant la plage pendant toute la saison de pêche. Les poissons sont ensuite pesés, leur poids est soigneusement consigné dans un carnet par le capitaine, les poissons s’entassent sur le pont, sont lavés à grande eau de mer puis rentrés un par un dans une cale pleine de glace. Les fournées apportées par les pêcheurs peuvent faire facilement 300-400 kg de poissons. Ce bateau ne retourne sur l’île de Margarita, au Nord du Vénézuéla, qu’au bout de 4-5 semaines. La glace tient-elle vraiment aussi longtemps sans moyen de réfrigération ?

Alors, voilà un matin que nous étions mouillés pas loin d'eux, ils viennent nous voir en nous disant que leurs deux batteries sont totalement déchargées à cause d’un feu de mouillage resté allumé toute la nuit (pas bien costaudes, les batteries !) et ils ne peuvent plus démarrer leur moteur. Ils semblent assez catastrophés car ils ont à leur bord une grosse cargaison de poissons et ils doivent repartir avec le lendemain. Ce n’est pas évident pour nous de les aider (pas question de leur prêter une batterie !) mais le capitaine du Folligou propose gentiment d’aller à leur bord avec son petit chargeur  Honda riquiqui de 1000 W et d’essayer de recharger leurs batteries. Ce qu’ils acceptent bien entendu ! Et nous avons donc passé quasi toute la journée sur ce bateau (je les ai rejoint au bout de quelques heures) car la batterie était tellement faible qu’elle ne rechargeait pas, ou alors un câble était coupé, ou les connexions étaient mauvaises etc… Grâce à quoi nous avons pu voir toutes les manœuvres de livraison et de mise en cale des poissons (thons, dorades, gigantesques ailes de raies, des poissons qu'on ne sait pas identifier, etc...), c’était très pittoresque. Il y a quelques belles gueules de pirates parmi ces pêcheurs mais ils sont tous très gentils et travaillent dans la bonne humeur, essentiellement en famille (frères, beaux-frères, neveux etc..). Les échanges avec eux se faisaient en Espagnol, notre capitaine s’est débrouillé tant bien que mal : « no se recarguar essa batteria, es muerta ! » Finalement, après avoir sélectionné les moins mauvaises des batteries grâce au testeur du Folligou (évidemment ils n’en ont pas à bord) le brave petit générateur (riquiqui mais vaillant) est parvenu à les charger suffisamment pour redémarrer leur gros Perkins ! Grand ouf de soulagement et grands sourires. Bilan : nous y avons gagné deux poissons et deux langoustes… en abandonnant 5 litres d’essence, quatre paquets de cigarettes, un masque de plongée, et quelques piles. De grand cœur car ces pêcheurs Vénezueliens sont vraiment très gentils et très démunis. 

 

 

Archipel de Los Roques

Nous sommes dans l’archipel des Los Roques, un endroit fabuleux. Une barrière de corail plus ou moins circulaire qui arrête la mer, et à l’intérieur du cercle un lagon avec des îlots coraliens de toutes les formes, souvent recouverts de mangrove. Seule l’île de Gran Roque au nord, là où se trouve le seul village de l’archipel est un peu plus montagneuse. Et les eaux ont des couleurs magnifiques, du bleu foncé lorsque la profondeur excède 5 mètres, puis bleu-vert, puis turquoise puis vert-blanc au fur et à mesure que la hauteur d’eau diminue. C’est absolument magnifique. Donc on pratique le « eyeball navigation » comme disent les guides car les cartes sont peu renseignées et fausses qui plus est ! Mais avec le soleil, à condition de l’avoir dans le dos, et les variations de la couleur de l’eau, on s’en tire assez facilement.

Il y a beaucoup de pousadas dans le village et les touristes arrivent en avion, des petits bi-moteurs très actifs aujourd’hui vendredi. Nous venons de faire une balade en snorkeling le long d’un petit récif et avons eu la surprise de trouver au fond de l’eau une statue de la Vierge, mains jointes, une couronne sur la tête, et toute en or, or massif ou peinture dorée, on ne sait pas. Mais très lourde et stable, bien plantée dans le sable. En Amérique latine, les surprises liées à la religion peuvent surgir n’importe où !

 

 

Nous aurons passé une semaine dans l’archipel de Los Roques, au nord du Vénézuéla, et nous n’avons croisé qu’un seul voilier de voyage  pendant tout ce temps! Pourquoi si peu de monde dans ce décor absolument magnifique, où les petites îles à l’intérieur du lagon offrent des mouillages tous plus beaux les uns que les autres, avec des eaux cristallines aux incroyables couleurs bleu turquoise.

 Ces îles sont vénézuéliennes, mais pourtant la sécurité y semble totale. Ici, les gens vivent principalement des touristes qui arrivent à Gran Roque, unique village de l’archipel, dans des petits avions bi-moteurs, et sont hébergés dans des jolies pousadas aux couleurs chatoyantes. Ce village ne manque pas de charme, les rues sont en sable, pas de voiture en dehors du camion à poubelles. Le ravitaillement, très succinct, arrive par bateau une fois par semaine. Des « lanchas rapidas » déposent ces quelques touristes sur une île ou l’autre, où ils passent une journée tranquille au soleil. On est loin du tourisme de masse.

Pour notre dernier jour, nous avons mouillé dans le Caya de Agua, un grand lagon au sud de l’archipel. Deux barrières de corail semi-circulaires, recouvertes de dunes de sable blanc côté lagon et de massifs coralliens côté large délimitent un grand lagon de presque 3 nM de diamètre, aux couleurs fantastiques. De plus, lorsque nous y sommes, c’est une belle journée sans nuages et sans vent du tout, fait assez inhabituel dans une région où les alizés soufflent toujours assez fort. La chaleur est accablante et les couleurs de l’eau, les couleurs de l’eau…Incroyable ! Et dans ce décor de rêve, nous sommes absolument seuls. Pas de voiliers, pas de lanchas, pas de pêcheurs. C’est presque frustrant, nous aimerions partager toute cette beauté avec famille ou amis, c’est trop beau pour nous tout seul !

 

 

Mouillage de Barlovento aux Aves

 

Nous sommes toujours dans les îles perdues du Vénézuéla, loin de tout et de toute trace de civilisation. Nous avons effectivement deux magnifiques tampons vénézuéliens sur nos passeports, un pour l’entrée et l’autre pour la sortie. Car depuis mardi dernier, nous sommes censés avoir quittés le Vénézuéla. Mais ici, aux Aves, pas de bureau d’immigration, juste un poste de coast-guards sur l’île de Sotavento, donc nous n’avions pas le choix que de faire la sortie du territoire aux Roques. Nous avons mouillé seulement sur la première île, Barlovento, et les coast-guards ne viennent pas jusqu’ici. Ils sont de toute façon très tolérants avec les bateaux de passage.

Les Aves, c’est encore un coin magique, une barrière de corail recouverte de mangrove et de grands palétuviers. Aucune habitation, pas de pêcheurs, rien, personne.  Ah si, des milliers d’oiseaux, une gigantesque colonie de Fous à pieds rouges installés dans les arbres. C’est très amusant de longer la mangrove en annexe et de regarder tous ces oiseaux perchés dans les arbres, au plumage allant du brun au blanc selon leur degré de maturité. Ils n’ont absolument pas peur de nous et nous regardent droit dans les yeux. Heureusement qu’ils ne sont pas agressifs car ils ont un bec impressionnant. Ils ont deux yeux très rapprochés qui leur confère une vision en 3D très efficace pour la pêche. Les petits oisillons avec leur tête recouverte de duvet, assis dans la végétation, font un peu penser à un petit singe, avec leur regard pénétrant. Vous verrez sur les photos quand j’aurai une connexion pour les poster sur le site.

Pour une fois, nous ne sommes pas complétement seuls puisqu'il y a aussi deux voiliers Vénézuéliens venus sans doute de Caracas qui nous ont confirmé que la navigation dans ces îles reculées est sans danger, contrairement aux bruits colportés par Radio-ponton !

Seul inconvénient de ce mouillage, nous sommes piqués, dévorés, par on ne sait trop quelles bestioles. Ce ne sont pas des moustiques car on n’en voit n’y n’entend jamais. Sans doute ces petites bêtes microscopiques qu’on appelle de no-see-ums, ou des no-nos selon les régions. Vraiment pénible car rien ne les arrête, ni moustiquaires, ni répulsifs, et ça gratte !!

 

Normalement, demain, nous devrions retourner vers la civilisation, destination l’île de Curaçao et la ville de Willemstadt. La ville ? Oh là là, ça va faire bizarre !

Curaçao

Curaçao est une île Hollandaise, une des trois ABC (Aruba-Bonaire et Curaçao), îles qui sont sur la route entre les îles Roques-Aves et Panama. Ce n’est pas une escale très intéressante en dehors de la ville principale assez jolie, mais c’est une escale de retour à la civilisation après un temps plus ou moins long dans les îles désertes du Nord du Venezuela. Nous avons dû y rester quinze jours, donc une bonne semaine de plus que prévu, car le vent fort ne nous permettait pas d’envisager sereinement une descente le long des côtes de Colombie ni de passer le Capo de Vela, réputé pour ses vents violents et ses mers formées. Une sorte de Cap Finisterre. C’est un peu dommage car cette semaine supplémentaire passée à Curaçao nous fait défaut pour découvrir la Colombie.

La population est très hétérogène sur le plan ethnique, avec un mélange de culture Européenne et Africaine, et une touche Hollandaise certaine.  Willemstad, la ville principale de Curaçao, est constituée de deux gros bourgs, Punda et Ostrabenda situés de part et d’autre d’un pont sur flotteurs qui s’ouvre en pivotant pour laisser passer les bateaux, énormes cargos ou paquebots de passagers, pousseurs ou voiliers. Le passage des bateaux offre un spectacle très varié aux touristes attablés aux petits restos situés le long des quais. Nous en avons bien profité ! Les façades colorées des maisons, les vieilles maisons coloniales, le marché flottant où les fruits et légumes arrivent par bateau du Vénézuéla, un musée de l’Esclavage très intéressant et émouvant, la plus ancienne synagogue de l’Amérique latine (1651) ; tout cela fait de Willemstad une ville très plaisante.

 

Le chantier au fond de l’estuaire n’est pas très agréable et d’une manière générale, les navigateurs préfèrent aller mouiller dans une grande baie plus au sud, Spanish Water. Un mouillage très fermé dans une grande baie intérieure protégée par un canal d’accès très étroit et offrant plusieurs zones où il est possible de mouiller. Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à y faire, à part se rendre à Willemstad en bus ou faire de la plongée sous-marine en bouteilles, ce que nous avons fait. Nous avons pris un stage d’initiation à la plongée d’une demi-journée, une injection de rappel pour le Capitaine, une grande première pour le second ! Nous sommes encore loin d’être à l’aise sous l’eau mais espérons que cela nous sera utile pour plonger dans les passes des atolls de Polynésie, une expérience à ne pas louper parait-il.

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© Carole Beaumont