Le Canal de Panama

La construction du canal

Dans notre imaginaire, le canal de Panama a été creusé par Ferdinand de Lesseps, mais la réalité est toute autre. Celui-ci a en effet lancé le creusement d’un canal devant traverser  l’isthme de Panama  d’un océan à l’autre, au niveau de la mer.  Les travaux commencèrent en 1880 et s’arrêtèrent en 1889 après la mort d’au moins 20 000 ouvriers, principalement à cause des  maladies tropicales (fièvre jaune, malaria) et des conditions de travail exténuantes, et à cause d’une spéculation boursière qui conduisit le projet à la faillite.

En 1903, peu après la déclaration d’Indépendance du Panama qui se séparait de la Colombie , les Etats-Unis reprirent le projet laissé en l’état depuis plus de dix ans et se lancèrent  dans cette tâche titanesque de construction du canal. Le canal fut construit en dix ans, grâce au travail de 75 000 hommes, pour un coût inférieur au budget initial et sans la moindre corruption. Il fut  inauguré le 15 aout 1914.

Plusieurs modifications majeures furent apportées au projet Français et assurèrent le succès de l’entreprise.

Tout d’abord, au bout d’un an d’efforts inutiles, l’ingénieur en chef, le colonel George Washington Goethals, décida d’abandonner l’idée de creuser un canal au niveau de la mer, et proposa de faire une première série d’écluses qui permettrait de monter les bateaux de 25 m au-dessus de l’Atlantique, puis de réaliser un lac artificiel, le lac Gatun, pour traverser l’isthme avant de redescendre vers la Pacifique par une autre série de trois écluses. Le lac a été créé en construisant un barrage, le plus grand construit à l’époque, sur la rivière Chagrès dont les flots tumultueux sont suffisants pour assurer le remplissage des écluses en période sèche.

Deuxième énorme difficulté à surmonter, l’évacuation des tonnes de gravats générés par le creusement du canal, en particulier au niveau du "Gaillard Cut", ce qui fut rendu possible par la construction d’un chemin de fer dans des conditions très difficiles à cause des pluies torrentielles, et des glissements de terrain qui arrachaient les voies. Et enfin, l’intuition et la persévérance du Dr William Gorga, lequel s'est basé sur les travaux du Dr Walter Reed, ont permis d’éviter les milliers de morts survenus lors de l’entreprise Française. En effet, le Dr Gorgas a défendu l’idée, très novatrice pour l’époque, que la fièvre jaune et la malaria étaient transmises par les moustiques et il a réussi à convaincre le Président Roosevelt de la nécessité de financer l’assainissement de tout l’isthme. Ce qui fut fait, grâce notamment à des fumigations systématiques de toute la zone de la jungle, et au dépôt de gas-oil sur tous les marigots pour tuer les larves de moustiques. Le dernier cas de fièvre jaune rapporté dans l’isthme de Panama remonte à 1905.  Ce succès fut une étape décisive dans l’avancement du projet, évitant aux travailleurs du canal, venus essentiellement des Petites Antilles de mourir de maladie tropicale

Ce  chantier d’une ampleur inégalée jusqu’à ce jour a bénéficié tout au long de sa réalisation du soutien, des encouragements, voire d’une forte pression, de la part du Président Roosevelt pour qui il représentait l’emblème de sa Présidence. Le canal ouvrait une voie rapide pour le passage d’un océan à l’autre pour tous les bateaux commerciaux et militaires américains, permettant ainsi l’extension de la zone d’influence des Etats-unis, et révélant au monde sa suprématie dans les domaines techniques et industriels. Cette réussite a ouvert une ère de croissance et d’expansionnisme  triomphants. A cette époque, rien ne semblait impossible à l’Amérique.

 

Les écluses

Les écluses acceptent des bateaux de 300 mètres de long et 33 mètres de large maximum, chaque chambre nécessite 100 000 m3 d’eau pour le remplissage.  Des portes doubles d'une taille énorme de 14 à 25 mètres de haut selon leur position et de 2 mètres d'épaisseur servent à retenir ces masses d’eau considérables.

Cependant, le développement du trafic maritime commercial implique la nécessité de faire circuler des cargos ou tankers encore plus gros, et un nouveau jeu d’écluses a été inauguré il y a un an, permettant le passage des Neopanamax, bateaux  de 400 mètres de long et 55 mètres de large maximum. Ces nouvelles écluses sont équipées de pompes très puissantes qui récupèrent l'eau à la sortie car autrement, le lac n'aurait pas suffit à les alimenter. Un gros porte- containers de cette catégorie peut transporter jusqu’à 12 000 containers et va payer 1 million de dollars à chaque passage du canal. En l'espace de neuf mois, ces nouvelles écluses ont vu passer 1 000 de ces Neopanamax, cela donne une idée de l’enjeu financier de ce canal !

 

Nous autres voiliers ne payons que 800 dollars mais il faut reconnaître que nous sommes cependant traités avec beaucoup de considération.

 

Le passage du canal en voilier

Le passage peut s’organiser par l’intermédiaire d’un agent qui prendra en charge toutes les formalités et fournira les quatre grosses amarres et les pare-battages nécessaires au passage des écluses. C’est lui aussi qui gère les relations avec les autorités du canal et transmet les informations sur les date et heure de passage. Les plus courageux peuvent mener toutes ces formalités par eux-mêmes.

Au jour et à l’heure dite, le bateau, avec au minimum à son bord le skipper et quatre personnes chargées de manipuler les amarres (handliners professionnels ou équipage du bateau, ou amis navigateurs souhaitant se faire une idée des difficultés de passage avant de transiter avec leur propre bateau) se rend sur un mouillage proche de l’entrée du canal (Gatun locks pour le sens Atlantique-Pacifique). Peu de temps après, une petite pilotine du canal arrive sur place et dépose sur le bateau un pilote, aussi appelé Canal Advisor, qui va prendre en charge toute la coordination du transit. Il arrive avec son planning sur lequel figure à la minute près tous les passages de cargos et l’heure de passage prévu pour le, ou les, voilier(s). En effet, les voiliers passent quelque fois tout seul, amarré au milieu de l’écluse, comme ce fut le cas pour nous, ou amarrés par deux ou par trois, et le plus souvent en devant ou derrière un gros tanker ou cargo.

Sous les ordres de l’Advisor, le skipper va donc passer les écluses et traverser le lac avec un timing extrêmement rigoureux. Dans l’écluse quatre hommes portant chacun une touline marchent le long de l’écluse et envoient la touline au voilier pour pouvoir récupérer les amarres. Sur les gros cargos, ces amarres sont gérées par des petits wagonnets métalliques qui se déplacent sur des rails en même temps que le bateau et servent à le maintenir dans l’axe du canal.

Le passage de l’Atlantique au Pacifique peut se faire en une dizaine d’heures, ou se faire en deux fois, avec passage des écluses de Gatun le premier jour, nuit sur une bouée sur le lac, et traversée du lac et passage des écluses de Miraflores le deuxième jour.  Tout cela implique de nourrir le pilote et le ou les handliners embarqués sur le bateau. Il vaut mieux avoir prévu suffisamment d’eau et de nourriture !

 

Le passage du Folligou

 

Nous avons passé le canal avec Robin et Sandrine du voilier Brindacier, et avec Jonathan, handliner professionnel, qui a beaucoup apprécié la pizza faite à bord à son intention !

Nous sommes entrés dans les ecluses de Gatun à la tombée du jour, puis nous avons passé la nuit sur le lac Gatun. Au matin, un nouvel advisor est monté à bord et nous a emmené jusqu'au Paicifique que nous avons atteint vers 16h. Une grosse journée.

 

A la fin du transit, lorsque les portes de la dernière écluse s’ouvrent sur le Pacifique, c’est un grand moment d’émotion, une certaine fierté d’être arrivé jusque-là  avec son bateau et le sentiment de passer dans un autre monde, de passer de l’autre côté du miroir comme Alice au Pays des Merveilles.

 

 

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© Carole Beaumont