Panama-Gambier, environ 4 000 miles nautiques

Cette fois-ci, nous y sommes. Nous avons traversé le Canal de Panama, le bateau est prêt, les cales sont pleines, il faut y aller. Non sans un petit pincement au coeur car cela nous emmène très loin de vous tous, famille, amis, très loin de notre maison et de nos attaches, mais c'est une expérience unique que nous ne voulons pas rater. 

Quatre semaines de mer si tout va bien, loin de tout, sur les mers les moins fréquentées du globe, on espère que tout se passera bien.

Nous enverrons de temps en temps des nouvelles par iridium que Guillaume postera ici.

A bientôt donc

 

Voir aussi un montage vidéo de la traversée après les brèves 

 

Brève du 15/05/2017

Bilan de la première semaine de navigation, du dimanche 07 au dimanche 14 mai

 

Nous avons passé l’Equateur dans la nuit du 13 au 14, sans tambour ni trompette, sans déguisement de Neptune ni autres réjouissance de rigueur, mais après tout, ce n’est pas notre premier passage. Par contre, nous avons ouvert une bouteille de Caringole 2012 pour fêter ça, achetée aux Longs Réages (pour les Meudonnais qui connaîtraient) et la dernière des bouteilles de vin apportées de France. Elle en a fait du chemin, celle-là ! Mais ne vous inquiétez pas, nous avons reconstitué nos stocks de vin, mais surtout avec du vin Chilien, très buvable.

 

La route de cette première semaine a été très laborieuse, à négocier entre les grains, les calmes plats, les vents contraires et les courants. Un grand classique sur ce trajet Panama-Galapagos. Mais depuis deux jours, nous avons retrouvé des conditions agréables, ciel bleu, mer plate et un vent régulier qui nous permet de faire de la bonne route dans la direction des Gambier. Et chose très agréable, il y a peu de houle. Cela nous change de ces derniers mois dans l'Atlantique où nos navigations ont été chahutées par une forte houle et des mers croisées. Ici la mer est bien rangée et le bateau bouge peu, une joie ! Oh pour le moment, nous n’allons pas vite mais le Capitaine n’arrête pas de répéter qu’il est content d’avoir un bateau qui marche par petit temps car nous arrivons tranquillement à faire 5 nœuds avec 7-8 nœuds de vent, pas de quoi se plaindre. Au moins, cela limite les heures de moteur et permet de garder un maximum de gasoil pour les éventuels calmes de l’arrivée. On espère que l’alizé de sud-est va se renforcer dans les jours qui viennent et la moyenne augmenter un peu. Du coup, nous avons décidé de ne pas aller aux Galapagos, nous pensons, espérons…, avoir assez de gasoil pour aller jusqu’au bout. Le bout, oh là, là, on n’en parle même pas. Il reste quand même plus de 3 000 miles à parcourir, car nous n’avons fait que 800 miles pendant cette glorieuse première semaine. Donc 3, voire 4 semaines de mer. Mais vive le grand large, où nous menons notre petite cellule de vie à notre guise et ne croisons plus personne, personne, personne…

Brève du 19/05/2017

Des coryphènes, pour changer de l'espadon!

 

Nous primes, hier, trois coryphènes. La dorade coryphène est un très beau poisson, comme son nom l'indique (je ne vous infligerai pas un cours d'étymologie) Ses couleurs sont éclatantes, à prédominance de jaune et de vert, avec de splendides reflets dorés.

Un beau poisson donc, mais aussi très bon. A la Tahitienne marinée au citron, au gingembre, au pétitia, crue à la tartare sous la selle, en sushis, en ceviches, à la Strogonoff (j’improvise un peu, ce n’est pas moi qui cuisine)…  il existe des douzaines de recettes pour préparer cette viande ferme et goûteuse. La coryphène est abondante sous les tropiques et elle est la manne des coureurs d’alizés, qui tous en parlent avec des étoiles dans les yeux. Tous sauf nous, du moins jusqu’à hier, car : Nous primes, hier, trois coryphènes !

 

Jusque-là nous étions plutôt abonnés à la grosse bête (l’espadon voilier de 40 ou 50kg qu’il faut crocher et haler à bord au terme d’une bagarre sauvage et sans pitié) Ou encore le redoutable Tazar plein de dents. Mais de dorade, jusqu’à hier, point. Nous avions tout essayé : les leurres en forme de petits calamar (ceux que l’on trouve sur le pont tous les matins, tout secs, berk), de poissons volants parfumés ou non aux phéromones, ceux qui plongent, ceux qui traînent en surface en faisant jaillir l’eau, les rouges, les verts, les blancs, et même une mitraillette à Coryphènes faite maison, d’un banc de petites pieuvres à la queue-leu-leu avec des hameçons partout. Rien, nada, nib, macache. Au grand dam de Carole qui voyait baisser nos réserves en vivres frais. On se disait, bah, c’est que nous allons trop vite, et, après tout, l’espadon aussi, c’est bon. Et voilà : hier, crac, à la vitesse de 7 à 8 nœuds, le maximum pour notre bateau, et avec un leurre tout ce qu’il y a de plus banal, trois coryphènes coup sur coup. Au point que nous avons vite rangé la ligne car, pour lever les filets, la dépeceuse avait beau se dépêcher, ses capacités étaient dépassées (dites-le très vite). Celles du frigo aussi. La coryphène a la réputation de se bagarrer au bout de la ligne. Mais pour des habitués à l’espadon géant, c’est un jeu d’enfant de la ramener à bord. Pas besoin de croc, on attrape la ligne à la main et hop, le poisson décrit un grand arc de cercle et vient s’étaler dans le cockpit, au pied de la barre, où il est rapidement occis. Sur le Folligou, nous n’aimons pas faire souffrir les bêtes et nous employons l’euthanasie alcoolique : une bonne lampée dans les ouïes, l’alcool passe immédiatement dans le sang et le poisson est expédié en quelques secondes. Mais attention, pour ces basses besognes, nous n’utilisons pas le rhum vieux du bord, ni le punch, le gin, la téquila ou la vodka Absolut. Non ! Exclusivement le Bacardi, ce truc imbuvable qui est au rhum ce que le Père Magloire est au Calvados. On le trouve hélas partout, sous différentes formes : Deluxe, Royal, Label Rouge, Carte d’Or, qui ont toutes le même goût mais bien sûr… pas le même prix. C’est bon pour les dorades qui ne font pas la différence, mais jamais, au grand jamais dans le punch, il faudra d’abord me passer sur le corps ! … Mais, bon, je m’égare. Donc : Nous primes, hier, trois coryphènes ! Et nous nous sommes régalés le soir même.

Bon appétit à tous !

Brève du 24/05/2017

Brèves de la traversée : DORMIR

Un ami terrien me demandait l’autre jour : « mais enfin, fichtre donc, comment faites-vous pour dormir ? » - « On se le demande aussi » lui répondis-je finement. - «  Non, non, sérieusement ? Vous montez la garde à tour de rôle ? - "«  Oui, euh, la garde… non, on fait quatre quarts » et je me lançai dans des explications détaillées. Sans doute perturbé par cette évocation pâtissière, mon ami écouta la suite de l’exposé avec apparemment la plus grande attention, en me confirmant de temps à autre par des « c’est celaaa, ouiii » polis qu’en fait il ne suivait pas du tout. On lui pardonne, tant il est vrai que l’organisation des quarts n’est pas une notion très utile à la survie citadine. Ici, à bord, il est au contraire primordial de bien gérer son sommeil, et il faut pour cela une discipline de fer, je m’en vais vous expliquer la nôtre.

Voici : soit 1°/ des nuits de dix heures, de 21h à 7h environ  2°/ deux marins 3°/ un raton laveur et 4°/ un règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) qui stipule en gros que « tout navire à voile ou à vapeur doit, en navigation, maintenir une veille visuelle constante » (oui, oui, visuelle et constante !). Donc, à tour de rôle, l’un de nous veille en haut dans la timonerie ou le cockpit, chaussures aux pieds, et parfois harnaché de son gilet gonflable, pendant que l’autre dort en bas sur une moelleuse couchette, habillé ou non comme il le souhaite. Celui de veille dort sur la couchette du navigateur, ou sur le plancher si cela bouge trop ; celui d’en bas essaie de dormir malgré les soubresauts du bateau évoquant un cheval lancé au galop, et les bruits incessants : chuintement de l’eau sur la coque, fracas d’une déferlante sur le plat-bord avec cascades sur le pont, crash d’un poisson volant sur le roof, ouin-ouins du pilote automatique, vibrations sonores de l’hydrogénérateur (je répondrai aux questions en fin d’exposé). Il se lève souvent pour caler les cintres qui s’entrechoquent dans la penderie ou la bombe insecticide qui roule et cogne sur les parois de son équipet. Son problème c’est de dormir. A l’inverse, l’équipier de veille s’endort en général assez bien, son problème à lui c’est de se réveiller pour assurer la fameuse veille visuelle (et constante, ne l’oublions pas). Pour cela nous utilisons un petit minuteur vibreur (pas de sonnerie, par respect pour celui qui, en bas, essaie vainement de dormir) réglé sur 10 minutes en navigation côtière, 30 minutes au large, et que l’on se garde au creux d’un bras, d’un cou, ou de tout autre endroit sensible selon la fantaisie de l’utilisateur. Bzz-bzz… bzz-bzz… Ah ! quoi, qu’est-ce ?  déjà ? Bon, allez, ne pas se rendormir. Se lever en grinçant de tous ses membres, un coup d’œil dehors, splash, tout mouillé ! Et il pleut. Le graphique de l’anémomètre ressemble à un électroencéphalogramme épileptique, mais pour le moment il n’est pas nécessaire de prendre un ris. Retour dans la timonerie, coup d’œil sur le GPS : vitesse-fond, cap, O.K. un œil sur l’AIS, le Mer-Veille (non, j’ai dit que je répondrai aux questions à la fin) sur la carte, bon, ouf on va vite se recoucher. A peine recouché : non, zut, j’ai oublié le plus important : le tour d’horizon visuel (et n’oublions pas, constant) Re-dehors, re-splash, non, rien, comme d’hab, pas une lumière. Au large on ne voit rien pendant des semaines, et puis soudain, tiens : l’autre jour, à deux mille nautiques de toute terre habitée, un chalutier d’aspect délabré, ressemblant plutôt à une jonque de trafiquants d’opium, et qui ne répond pas à nos saluts par VHF, ni en anglais ni en chinois. Celui-là avait été annoncé par l’AIS et le Mer-Veille, bénis soient ces petits instruments.

Et, me direz-vous, les solitaires, comment font-ils ? Je leur ai posé la question. La plupart éludent. Dame, c’est que leur assurance leur demande d’assurer la veille visuelle réglementaire ! (et constante)… D’autres - mais je ne les crois pas - disent faire leurs huit heures de sommeil en pyjama, confiant la veille à leurs instruments : AIS, Mer-Veille, rarement radar qui consomme trop d’électricité et génère trop de fausses alertes. Un jour, certain vieux loup de mer anglais et solitaire m’a avoué son truc à lui : « En mer, je bois beaucoup » - « Ah, bon ? nous on met plutôt la pédale douce sur les apéros.. » - « Mais non, cher Monsieur, vous vous méprenez. Vous savez, j’ai bientôt soixante-huit ans, alors si, avant de me coucher, je bois deux verres d’eau, je suis sûr de me réveiller dans l’heure qui suit ! » Pas bête… Bon, d’accord, dites-vous, mais vous digressez : Quelle est donc, à votre bord, cette discipline de fer que vous évoquiez tout-à-l’ heure ? A quoi sert le raton laveur ? J’y viens : notre rythme de quatre quarts est le suivant : deux quarts de trois heures suivis de deux quarts de deux. Total dix. C’est carré, impeccable. Oui, enfin… ce joli quadrille se trouve souvent perturbé : une manœuvre par exemple, ou, plus souvent, lorsque vient l’heure vient de réveiller celui d’en bas qui vient de s’endormir à poings fermés… on hésite. S’il reste sourd à vos appels en sourdine, ou quand vous lui touchez gentiment l’épaule, que faire ? Vous n’allez quand même pas lui verser un seau d’eau sur la tête ? C’est tout différent, j’ai pu m’en rendre compte, sur le bateau des autres, si le dormeur est un autre mec, même pas de la famille, et qui ronfle en plus. Celui-là, on prendrait presque plaisir à le secouer. Mais votre conjoint, non, tout de même, ou alors c’est qu’il y a un problème de niveau… au niveau du couple... Total, notre rythme est assez désordonné : trois quarts, de durée variable, au lieu de quatre. Bientôt deux quarts de cinq heures ? C’est long… On s’adapte au jour le jour, à la nuit la nuit, et on fait des siestes dans la journée. Voilà, je vous ai tout dit, j’ai été un peu long alors je n’aurai pas de temps pour les questions.

Pour ceux qui voudraient s’entraîner, faites l’exercice suivant : Déménagez vos pénates dans votre salle de bains. Cuisinez sur un réchaud posé sur le lavabo. Mangez debout. Dormez tout habillé (ciré, bottes) dans la baignoire, Toutes les deux heures prenez une douche froide, tout habillé aussi (bottes, cirés). Continuez l’exercice pendant trois ou quatre semaines. Voilà, vous êtes parés !

Brève du 28/05/2017

Une journée type sur Folligou

Par où commencer sachant qu’il y a toujours quelqu’un de veille sur le bateau et que les nuits se fondent dans les jours ? Ah mais, oui, je sais, nous allons commencer par le point le plus immuable d’une journée de 24 heures, ….par l’heure de l’apéro ! S’il y a une chose sacro-sainte sur le bateau, c’est bien celle-là. C’est le meilleur moment de la journée, juste au coucher du soleil quand le ciel s’embrase de magnifiques couleurs et que les cumulus prennent des couleurs gris clair très caractéristiques des ciels tropicaux. On s’installe dans le cockpit quand le temps le permet, c’est-à-dire presque chaque jour, on apporte le kir ou le punch préparé par le Capitaine dont c’est le privilège indiscutable, quelques biscuits d’apéro aussi appelés zakouskis, et on regarde le jour tomber. Après l’apéro (léger, il ne faut perdre ni vigilance ni sens de l'équilibre), le diner, plutôt léger lui aussi car le bosco n’a pas trop envie de cuisiner la nuit, c’est quand même plus compliqué. A ce moment-là, il fait nuit mais les nuits sont douces et le diner se prend aussi dehors. Là il faut imaginer ce spectacle presque surréaliste de nous deux assis côte à côte dans le cockpit, côté opposé à la gîte, les pieds sur le banc d’en face pour se caler, à manger tranquillement en regardant la mer défiler le long du bord du bateau, ou plutôt en regardant dans le noir, sur un bateau qui avance tout seul au milieu de nulle part. Car nous sommes loin de tout, « on the less travelled routes of the world », comme ils disent dans notre guide sur la traversée du Pacifique. Après le repas, on démarre le rythme des quarts de nuit, et là, je vous renvoie à la brève précédente DORMIR.

Les quarts se terminent vers 07h30, plus ou moins selon le sommeil de la bordée d’en bas, et on passe au petit déjeuner, sans doute le repas le plus difficile de la journée. C’est fou tout ce qu’il faut sortir pour un petit déjeuner (bols, pots de confiture, trois au minimum ici, le pot de lait, le pot de café, les céréales, le beurre etc…), tous ces objets qui ne demandent qu’à vivre leur vie  en traversant la cuisine ou le carré dans les coups de houle. Car n’oubliez pas que depuis bientôt quinze jours, le bateau est balloté en tous sens, quelquefois violemment et toujours sans préavis. Bref, pour limiter les dégâts, nous prenons le petit-déjeuner dans la cuisine, autour de l’évier où tout ce petit monde est bien calé pour ne pas tomber. Mais la cuisine est au milieu du bateau et il faut avoir le cœur bien accroché pour rester là au petit matin, à jeun, en ayant plus ou moins (et plutôt moins) bien dormi. Cœurs sensibles s’abstenir !

Ensuite, une toilette de chat (il faut économiser l'eau douce) et vers 08h30, deuxième moment assez immuable, c’est l’heure de faire le point, de calculer la distance parcourue pendant les dernières 24 heures (bof, c’est tout ? c’est décevant, on pensait avoir fait mieux !) et connecter le téléphone satellite pour voir si les enfants ou les amis ont pensé à nous. Et là, je dois dire qu’en général, nous ne sommes pas déçus. Vous ne pouvez pas savoir comme ces petites nouvelles égrenées le long du parcours nous font chaud au cœur !

Après ces quelques passages obligés, chacun vaque à ses occupations. Cela peut paraitre bizarre de dire ça sachant que l’espace est somme toute limité et les occupations possibles encore plus. Mais détrompez-vous, la journée va passer relativement vite dans une succession de petits riens. Par exemple, le bosco va faire du pain, ou des gâteaux à la banane pour écluser l’énorme stock de bananes vertes qui, bien sûr, ont muri toutes en même temps ; le capitaine va faire le tour du bateau pour vérifier que rien ne s’use de façon anormale, et va faire quelques petits bricolages du genre retendre les courroies du moteur ou remplacer un cordage usé.  Nous lisons beaucoup l’un et l’autre. Nous avons emporté une grosse bibliothèque en format Kindle et lisons de tout : romans policiers, bons romans modernes conseillé par des ami(e)s, en Français ou en Anglais, romans de guerre maritime, un grand classique de la littérature anglo-saxonne ; nous relisons les auteurs classiques que nous avions lus à l’école et jamais vraiment appréciés (Zola, Châteaubriant, Maupassant…) ; on fait des sudoku, ou des maquettes, ou on joue du ukulélé. Et bien sûr, il y a les manœuvres. Ces quinze derniers jours, nous avons eu du vent soutenu et on a souvent réduit ou renvoyé de la toile, en fonction des variations de l’alizé très instable. On pêche aussi quelques fois, mais pas ces derniers jours, le bateau bouge trop; et on regarde les oiseaux marins: des Fous, mais pas des Fous de Bassan, des Fous bruns ou des Fous à pieds rouges, ou des Petrels des tempêtes; mais, là aussi, plus d'oiseaux depuis plusieurs jours, nous sommes trop loin de tout. Bref, on ne s’ennuie pas, de toutes façons, se cogner partout, ça occupe déjà pas mal, et on arrive très vite…à l’heure de l’apéro ! Et on recommence la même séquence, avec des petites variantes, mais pas beaucoup finalement. Et pendant ce temps-là, les miles défilent au compteur et on se rapproche tout doucement de notre destination, les Gambier. On a hâte de découvrir cet endroit magique, lui aussi au milieu de nulle part,  à 1700 km de Papeete,  tout au sud de la Polynésie Française, avec environ 1400 habitants, une cathédrale et  de nombreuses églises et chapelles, résultat d'une théocratie catholique très active au XIXème siècle. Mais on vous racontera tout ça plus tard.

Brève du 30/05/2017

“One of the less travelled routes in the world” Vous avez lu cette phrase dans la dernière brève. Eh oui, la route que nous parcourons actuellement, Panama-Gambiers direct, cap ouest-sud-ouest, non seulement est longue, fort longue (4 000 milles nautiques, environ 7 500 km) mais traverse une des régions du globe les moins fréquentées par l’homme. Par l’homme, et apparemment aussi par les animaux : à part quelques poissons volants sur le pont le matin – de plus en plus rares – on ne voit pratiquement plus d’oiseaux. Quant aux vrais poissons, je veux dire les mangeables, on préfère ne pas essayer, le bateau bouge trop. On aime mieux ne pas se retrouver avec un espadon de 50kg sur le pont. S’il le faut, on attaquera le Corned Beeef, c’est plus facile à dépecer. Mais pas de sushis, d’ici à ce que nous en arrivions à cette extrémité, il reste encore plein de vivres, de quoi refaire la même traversée dit le Bosco ! Et même des bananes, très mûres après trois semaines, conservées dans du rhum…

Une des régions les plus éloignées de toute habitation humaine ? Effectivement nous sommes passés en un point situé à 2 000 milles nautiques de toute terre habitée, plus de 3 800 km. Est-ce un record ? Peux-tu le vérifier pour nous, ami lecteur ? Je n’ai pas accès à Glou-gueule-mappes… Question : y a-t’il un autre point de la surface terrestre plus éloigné de toute habitation humaine ? Sahara ? Steppes de l’Asie Centrale ? Antarctique ? Attention, ne comptent pas comme habitation ce qui ne fait que passer : la jonque chinoise que nous avons croisée l’autre jour, le jet qui passe loin au-dessus, le père Gagarine dans son Spoutnik, le père Piccard dans son bathyscaphe ou le sous-marin russe qui nous observe au périscope… la caravane de bédouins ne compte pas non plus. En revanche les stations scientifiques de Terre-Adélie doivent être considérées comme des habitations non nomades. Voilà posées les règles. On est curieux de connaître la réponse.

En tout cas, cela fait drôle : Savoir que l’humain le plus proche – excepté bien sûr l’être cher qui Ma Compagne partout – se trouve à 3 800 km… alors que dans la vie citadine (j’allais dire la vie normale !) mon voisaing (ce prochaing que j’aime comme moi-même) se trouve bien souvent dans le métro à moins de 200 millimètres… je ne sais pas finalement ce qui fait le plus peur.

Allez, à plus.

Brève du 02/06/2017 - Ça sent l’écurie !

A l’heure où j’écris ces lignes (jeudi 1er juin, minuit TU), il nous reste 280 milles à faire, ne peccadille au regard des 3650 milles parcourues jusqu’à maintenant. Et pourtant, ces derniers milles nous paraissent bien longs !


D’abord, parce que la météo ne nous aide pas. Les fichiers GRIB qui nous donnent les prévisions de vent ne sont pas très fiables dans cette région du globe. Ces fichiers sont normalement une aide précieuse à la navigation, des petits fichiers que l’on peut charger facilement avec un téléphone satellite et qui donnent le vent à un instant donné pour une zone définie par l’utilisateur. Ensuite, un modèle mathématique compliqué mais qu’on n’a pas besoin de connaître fait une simulation de l’évolution du vent sur les 3 ou 4 prochains jours. Cela permet d’adapter sa trajectoire de façon à utiliser au mieux le vent, et éviter le gros temps. Ici, dans une zone à la fois sous le régime des alizés de SE et sous l’influence de la zone de hautes pressions du Pacifique sud-est, les prévisions ne sont pas fiables, nous en faisons les frais tous les jours. Il y a deux jours, nous avons passé la nuit au moteur par un magnifique calme plat, nous pensions vraiment être sortis de la zone d’alizés. Et puis la nuit dernière, bingo, temps à grains, vent de 25-28 nœuds, rafales à 32 nœuds. Pas prévu du tout. A tel point que nous avions rangé la trinquette (petit foc de gros temps) dans son sac sur le pont, obligeant le Capitaine à aller faire des acrobaties à l’avant du bateau pour la renvoyer à deux heures du matin. Après avoir capelé gilet gonflable et harnais, bien sûr ! En un sens, c’est bien d’avoir du vent car nous faisons de bonnes moyennes et nous nous rapprochons plus vite du but, alors qu’on craignait d’avoir du calme plat pendant plusieurs jours avant l’arrivée, et pas assez de gas-oil pour faire du moteur jusqu’au bout. Donc, ne nous plaignons pas. Malgré tout, nous avons un déficit de sommeil et attendons avec impatience de pouvoir faire une bonne nuit complète sans interruption toutes les 20 minutes, sans trop de bruits divers et irritants. Mais il reste encore deux ou trois nuits qu’on espère pas trop compliquées. Et il faut rester vigilant pour ne pas tomber, ne pas faire d'erreur dans les manoeuvres. Ce serait trop bête d'avoir un accident si près du but.

 

Et bien sûr, on est impatients de découvrir la Polynésie, de reprendre contact avec la civilisation…et internet et de se dégourdir les jambes. Sur le bateau, on passe son temps à rattraper son équilibre, ce qui représente sûrement un exercice non négligeable mais on ne peut pas dire que nos muscles travaillent beaucoup, en dehors des muscles des bras dans les manœuvres au winches (fréquentes du fait de l’instabilité du vent).

 

Bon, voilà, donc on passe le temps en écrivant des brèves sans intérêt, ou des petites chansons pohaitiques sur les poissons, cela évite de regarder tout le temps la carte et de se dire que ça n’avance pas vite.

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© Carole Beaumont