Suwarrow fut pour nous une escale tout à fait mémorable
Dépendant des îles Cook, située à 200 miles de l’île habitée la plus proche, à mi-chemin entre Tahiti et les Samoa, cet atoll à l’écart des routes de navigation, est très apprécié des navigateurs mais reste malgré tout magnifiquement préservé. Le lagon mesure plus de 50 miles de périphérie, entouré d’un récif de corail surmonté de quelques petits motus. Ces petites îles sont totalement inhabitées, à l’exception de nombreux oiseaux de mer, et de deux rangers basés sur Anchorage Island et présents de juin à novembre pour surveiller les navigateurs et entretenir cet espace maintenant classé Réserve Naturelle. Bernard Moitessier aussi était tombé sur le charme de cet atoll perdu au bout du monde et y est venu à plusieurs reprises. Il avait alors sympathisé avec Tom Neal, un marin néo-zélandais qui a vécu sur cette île pendant un quart de siècle, seul et complète autarcie. Il a d’ailleurs écrit un livre intitulé An Island to One Self, dont la version française intitulée Robinson des mers du sud, est post-facée par Bernard Moitessier.
Nous sommes restés quinze jours à Suwarrow, plus longtemps que prévu initialement car les conditions de navigation vers les Fiji semblaient trop mauvaises. Nous étions 6-7 bateaux au mouillage, tous en attente d’une fenêtre météo acceptable pour continuer vers l’ouest. Equipages américain, canadien, australien, français, hollandais, tout le monde a sympathisé et partagé de très bons moments dans ce décor de bout du monde, tout à fait exceptionnel. Réunions de travail pour échanger sur la météo et partager nos connaissances sur les moyens d’acquisition lors des traversées, snorkeling au dessus des massifs de coraux et des raies mantas venues se faire nettoyer par des petits poissons de récif, balades autour de l’île à marée basse, Pot luck sur la plage où chaque équipage contribue au diner (et les rangers fournissent le BBQ rudimentaire…et les poissons), sessions de ukulélé sur la plage, dinghy drift où les annexes s’attachent et se laissent dériver dans le lagon au coucher du soleil en partageant apéros et petites douceurs. Magique !
Mais ce paradis se mérite car le mouillage est potentiellement dangereux. Ils y a des « boomies » partout (petits récifs de corail dispersés sur le fond du mouillage) autour desquels les chaînes d’ancre prennent un malin plaisir à s’entortille. Ensuite, lorsque le vent passe au sud ou à l’ouest, le mouillage devient « bouncy » et dangereux. IL faut parfois rajouter une deuxième ancre pour se tenir éloigné des pâtés de coraux et surveiller le mouillage la nuit en faisant des quarts comme en pleine mer ! Par le passé, plusieurs voiliers ont été dressés sur les récifs dans ce mouillage suite à une saute de vent brutale.